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Le Palais Morosini à Santo Stefano

Louise Colet, en 1862, nous fait faire la visite du palazzo de Francesco Morosini

L'entrée du Palais et le puits sur le Campo Santo Stefano à Venise
L'entrée du Palais et le puits du Campo Santo Stefano
« Un magnifique buste en bronze, à mi-corps (plus grand que nature), du Péloponésien se trouve dans ce salon ; on dirait qu'il veille sur ses ancêtres et sur ses descendants.

Il tient ses armes de sa main superbe ; sa tête, hautaine, semble encore commander les batailles.

Ce buste est un chef-d'œuvre de maestria et de force ; le héros y revit.

Il ornait autrefois une des salles du palais ducal ; à la chute de la république, il fut relégué dans une cave.

La famille le réclama, et Napoléon Ier l'accorda à la descendante du dernier doge.

Nous passons, à droite, dans la salle des Armes, où sont conservés en faisceaux les lances, les armures, les épées, les pistolets du guerrier.

Un buste en marbre blanc, tout semblable à celui que je viens de décrire, se trouve là parmi les marbres grecs rapportés d'Athènes par le Péloponésien.

Le premier buste avait été fait pour la république, le second pour la famille.

Le palais Morosini du côté du Rio del Santissimo à Venise
Le palais Morosini Rio del Santissimo
Une tête de femme antique me frappe d'admiration ; c'est un marbre du plus beau temps delà sculpture grecque.

Je regarde ensuite curieusement les reliques intimes du doge soldat : le verre où il buvait, le squelette du chat familier, qui ne le quittait jamais ; le livre de prières latines qu'il portait toujours sur lui.

Dans la couverture de ce livre est enfermé, comme dans un étui, un petit pistolet.

C'était le temps “tuant et priant”.

Des vases de marbre, où poussent des arbustes verts, se mêlent aux faisceaux de mousquets et de pertuisanes dans cette salle d'armes qui a jour sur une jolie terrasse à balustres, en retour du palais Pisani, et formant décoration sur le Campo San Stefano.

Au moment de nos victoires en Italie, le gouverneur autrichien de Venise fit réclamer à la dernière descendante de Francesco Morosini les trophées d'armes anciennes dont je viens de parler, “Ces armes, disait-il, peuvent servir encore.”

La noble fille, infirme et souffrante, fit prier le gouverneur de venir s'assurer par lui-même de la rouille et de la vétusté qui couvraient ces vieux fers tordus et bosselés dans tant de batailles, et elle obtint, à force de prières, que ces témoins inoffensifs du patriotisme et de la gloire de ses pères ne lui seraient point enlevés.

Nous passons dans les appartements plus intimes, qui sont d'une magnificence inouïe ; nous traversons d'abord un salon or et bleu, au plafond frais et riant comme une aurore de mai, puis un second salon décoré de toute une série des plus fins et des plus rares tableaux de Longhi.

Oh ! L'aimable compagnie musquée de marquis poudrés, de mignonnes marquises, flamme à l'oeil, rose à l'oreille et mouche au coin de la lèvre !

Oh ! Les jolies nonnes au regard provocant, au sein gonflé sous la bure ! Les joyeux abbés au rabat de dentelle, sur lequel leur menton fleuri repose comme un bouquet de cerises sur du papier découpé !

Sculpture au-dessus de la porte d'eau du palazzo Morosini à Venise
Sculpture porte d'eau
Les soyeux épagneuls, les câlines chattes à pelage de velours blanc, les gentilles perruches au plumage de velours vert, les bruns et véloces écureuils faisant la roue et la grimace comme de petits nègres qui s'ébattent !

Oh ! Les masques hardis, grands diseurs d'amours !

Les alertes et malins gondoliers, raillant les jaloux et les importuns, et faisant glisser et disparaître dans la nuit les mystères du plaisir !

Tout cela sourit, chatoie, se heurte, se groupe, s'éparpille, éclate, rayonne et ravit, ainsi que faisaient la Piazzetta, la place Saint-Marc et le grand canal, aux jours des folles fêles de Venise !

Comme contraste à ce riant salon exclusivement décoré de tableaux de Longhi, nous traversons après une autre pièce qui forme une magnifique galerie remplie des plus belles toiles des grands maîtres vénitiens ; ils sont tous là représentés par quelque chef d'œuvre, ces créateurs hardis du mouvement et du coloris.

Cette belle galerie mériterait non seulement d'être décrite, mais d'être gravée ; elle est à peine connue, étant peu accessible aux étrangers ?

Nous entrons ensuite dans la vaste chambre qui fut celle du Péloponésien ; elle est tendue de velours ancien rouge et jaune.

Le plancher est couvert d'un tapis turc épais, moelleux, aux vives couleurs ; il y a dans cette chambre une grande glace de Venise, à bordure splendide, la plus belle qui soit sortie des fabriques de Murano.

Puis des consoles en albâtre oriental, au-dessus desquelles les portraits en pied des quatre doges Morosini, se regardant éternellement entre eux.

Entrée du Palais Morosini sur le Campo Pisani à Venise
Entrée du Palais Morosini Campo Pisani
On dirait qu'ils s'interrogent sur les destinées futures de Venise.

Une étroite porte pratiquée dans cette chambre conduit dans deux cabinets où la collection des tableaux de maîtres se continue.

Dans le second cabinet s'ouvre la petite chapelle où priait le grand Morosini.

Le prie-Dieu qu'il avait sur sa frégate est posé devant l'autel; il est en bois rouge, dur et poli comme de la laque, avec des dessins en relief en bois doré ; des anges sculptés, également dorés, s'en détachent par devant.

Au-dessus du prie-Dieu et comme l'ombrageant flotte la bannière de combat, avec saint Marc et le lion ailé brodés d'or et de soie ; c'est la même bannière qui frissonna sur corps du Péloponésien quand il mourut (le 6 janvier 1694) sur son vaisseau de commandement, les yeux tournés vers Salamine, qu'il venait de conquérir. »
Louise Colet

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