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Mariano Fortuny à Venise, sa mère et sa sœur Maria Luisa

Mariano Fortuny y Madrazo (1871-1949)


Mariano Fortuny, série sur les quatre éléments : l'air
Mariano Fortuny, série sur les quatre éléments : l'air
Cécilia Fortuny y Madrazo souhaitait depuis longtemps s'installer à Venise.

En 1889 elle emménage dans le palais Martinengo, (dans le Dorsoduro, au numéro 178, face au Grand Canal) où elle mène une vie retirée, vouée au culte du souvenir de son mari et à l'amour de l'art.

Mariano a alors dix-huit ans.

Cécilia Fortuny y Madrazo aimait y recevoir des artistes et des écrivains :

Isaac Albéniz, Jose Maria de Heredia, et plus tard : Henri de Régnier, Reynaldo Hahn, Marcel Proust, et Paul Morand.

Elle possédait une collection de magnifiques étoffes anciennes qu'Henri de Régnier eut le plaisir d'admirer quand il lui rendit visite, au début des années 1900.

Au début du XXe siècle, le Palazzo Martinengo avait une grande verrière et un terrasse au 3ème étage, aujourd'hui disparues
Au début du XXe siècle, le Palazzo Martinengo avait une grande verrière et un terrasse au 3ème étage, aujourd'hui disparues
Henri de Régnier nous donne une description du palais Martinengo et nous fait part de son admiration pour la riche collection d'étoffes anciennes de madame Cécilia Fortuny :

« Est-ce la belle et somptueuse étoile dont “Gentile Bellini” a suspendu le roide et riche sur l'appui de la loggia de marbre qui encadre de ses fines colonnettes et de son arc élégant son portrait du sultan “Mahomet” II ?

Est-ce elle qui, comme le tapis magique des contes, nous a transportés au seuil de ce vieux palais qui mire dans le Grand Canal sa façade au crépi gris dont les lignes sévères n'offrent à l'œil aucun de ces ornements byzantins ou moresques dont se pare la fantaisie gracieuse et bizarre du gothique vénitien ?

Cet ancien Palais Martinengo à San Gregorio date en effet du XVe siècle, mais sa robuste carrure a plus de force que de grâce.

En son aspect grisâtre et crépusculaire, et malgré la gondole de maître qui attend d'ordinaire amarrée à ses pali, il a presque l'air inhabité.

La porte va cependant s'en ouvrir pour nous.

Mme Fortuny, qui, depuis de longues années, occupe cette grave demeure, veut bien nous y recevoir et nous montrer l'admirable collection d'étoffes anciennes qu'elle y a réunie.

Nous voici dans la grande galerie du Palais Fortuny.

Maria Luisa Fortuny et Cecilia de Madrazo au Palazzo Martinengo
Maria Luisa Fortuny et Cecilia de Madrazo au Palazzo Martinengo
C'est une longue et vaste pièce au haut plafond soutenu par de grosses poutres.

Aux murs sont suspendues de nombreuses et brillantes esquisses de Fortuny et d'intéressantes études de son fils Mariano, qui est là pour nous présenter à sa mère.

Mme Fortuny nous accueille avec une parfaite bonne grâce.

Elle et sa fille mènent à Venise une vie particulièrement sédentaire.

Elles ne sortent guère de leur Palais.

Descendent-elles, même, dans la cour intérieure que j'ai aperçue en entrant et où, sur les dalles humides, roucoulent des pigeons mélancoliques ?

Malgré la stricte clôture où l'on y vit, le Palais Fortuny est volontiers hospitalier et on y offre aux hôtes de succulentes cuisines valencianes et des pâtisseries compliquées. Mme Fortuny est secondée par sa fille.

Ces deux Vénitiennes ont conservé un aspect très espagnol.

Maria Luisa Fortuny et Cecilia de Madrazo
Maria Luisa Fortuny et Cecilia de Madrazo
Leurs fines mains sont aptes à manier l'éventail et le chapelet, et je les imagine déjà palpant les merveilleuses étoffes promises avec la même dévotion dont elles caressent la magnifique cassette moresque en ivoire sculpté et qui, posée sur une table, semble, sous ses ferrures barbares, contenir, auprès de quelque philtre secret, on ne sait quel mystérieux grimoire de magie.

C'est, en effet, à une scène de magie que nous allons assister, en ce vieux palais silencieux que semblent exorciser de leurs voix incantatrices les cloches voisines de la Salute.

De tout temps, Mme Fortuny nous avoue avoir eu le goût des anciennes étoffes, dont le moindre lambeau, échappé aux injures du temps, permet d'évoquer l'intacte splendeur.

Ce fut en Espagne qu'elle fit son premier achat : un antique velours dont la pourpre à reflets de sang portait un décor de grenades éclatées.

Ce premier achat fut suivi de beaucoup d'autres et peu à peu se forma la merveilleuse collection.

à Venise, les offres se produisent surtout l'hiver.

Souvent quelque vieille Vénitienne se présente au Palais et sort de dessous son châle un précieux lambeau, relique de famille, débris de passé qui vient ajouter son témoignage au souvenir de tous ces beaux luxes évanouis.

Tissu Mariano Fortuny “Lucrezia”
Tissu Mariano Fortuny “Lucrezia”
Mais Mme Fortuny et sa fille se sont approchées d'un grand coffre placé dans un coin de la salle et en ont soulevé le lourd couvercle.

C'est là que reposent, mollement pliées ou soigneusement étalées, les étoffes qu'elles en tirent, d'un lent geste précautionneux.

Soudain la première apparaît.

C'est un admirable velours du XVe siècle, d'un bleu sombre, gaufré d'arabesques de grand style, un velours d'un bleu étrange, sourd, profond et pur et qui est comme le vêtement même de la nuit.

Puis, lentement, l'opération magique continue et, une fois dépliées et vues, les belles étoffes vont attendre au dossier d'un fauteuil, sur la pente d'un divan, l'instant de reprendre place dans l'asile du grand cassone qui les abrite. Les voici qui en sortent une à une.

Voici les pesants velours de Venise, de Gênes ou de l'Orient, somptueux et délicats, éclatants ou graves, à amples ramages, à figures ou à feuillages, des velours qui ont peut-être vêtu des Doges ou des Khalifes.

Voici les brocarts aux tons puissants, les soies aux nuances subtiles; voici des ornements d'église et des parures de cour.

Voici les charmants taffetas et les luisants satins, semés de fleurettes et de bouquets dont le XVe siècle faisait les robes de ses femmes et les habits de ses hommes.

Cape et Tissus Mariano Fortuny
Cape et Tissus Mariano Fortuny
Voici des étoffes de toutes les teintes et de tous les tissus, les unes évoquant la forme des corps qu'elles ont vêtus, les autres en longues pièces et en lés, certaines en lambeaux, en minces fragments.

Et tout cela, avec des froissements d'ailes invisibles, s'entassant, s'amoncelant dans la vaste salle peu à peu assombrie par l'heure, tandis que, penchée sur le profond coffre inépuisable Mme Fortuny semble diriger de son geste magicien l'étonnant concert d'étoffes qui, au fond de ce vieux palais, se joue mystérieusement dans le silence du crépuscule vénitien... »
Henri de Régnier - “La Vie Vénitienne” 1899 - 1924

Bien entendu, Mariano connaissait parfaitement toutes ces étoffes, lui qui avait toujours pu les voir, les toucher, les palper et les admirer à loisir.

Toute cette splendeur lui était familière et faisait partie de la maison, elle devint une source d'inspiration à portée de main pour ses créations de costumes de théâtre, et d'étoffes qu'il voulait aussi belles que celles de sa mère.

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Liens sur les lieux et personnages cités dans cette page :

Isaac Albéniz - Wikipédia
Jose Maria de Heredia - Wikipédia
Reynaldo Hahn - Wikipédia
Reynaldo Hahn - Site dédié
Marcel Proust - Wikipédia
Paul Morand - Wikipédia
Henri de Régnier - Wikipédia


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