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La comédie de Goldoni : Pas une simple comédie d’intrigue

Carlo Goldoni
Carlo Goldoni
La comédie de Goldoni n’est pas une simple comédie d’intrigue, elle est complexe, multiforme comme la nature : Le tragique et le comique se côtoient, rien n’apparaît jamais identique et unilatéral.

Au Sommet de l'Echelle Sociale

« On trouve ainsi, au sommet de l'échelle sociale, le marquis de Ripaverde qui a été habitué à vivre noblement et se prélasse dans la splendeur :

« — On voit vraiment, lui dit Brighella, que Votre Seigneurie est un grand cavalier !

— Pourquoi ?

— Parce qu'elle se plaît à ne rien faire. »
Carlo Goldoni —“La Bonne Epouse”

Tout en Bas de l'Echelle Sociale

Carlo Goldoni, L'Amante Cabala
Carlo Goldoni, L'Amante Cabala
Et tout en bas de l'échelle, aufond d'une arrière-cour, la veuve Barbara se dissimule dans les grisailles d'un héroïsme obscur :

« – Que voulez-vous que je fasse ?
– Quand j'ai fini les affaires du ménage, je m'amuse à travailler, je ris avec mes enfants, je ris avec la servante.
– Et puis j'ai un chat, j'ai un chat qui est mon bouffon. Si vous voyiez la jolie bête !
– Où s'est-il fourré ? Minon ? Minon ? »
Carlo Goldoni —“La Bonne Mère”

L'Hypocondriaque Imaginaire

Clelio, qui montre sa langue à tout venant, et quand on lui parle de mélancolies, d'accidents, de gens qui ont gonflé subitement, de personnes qui sont mortes à l'improviste, crache pour conjurer le mauvais sort, et dit Salute a noi ! est l'hypocondriaque imaginaire.

Le Pique-Assiette

Carlo Goldoni, I pettegolezzi delle donne
Goldoni, I pettegolezzi delle donne
Et le comte Onofrio, qui a les yeux plus gros que le ventre, est le goinfre, qui dans les assemblées absorbe l'une après l'autre les tasses de chocolat oubliées, et glisse subrepticement les desserts dans ses poches.

Si au milieu d'un salon éclate une querelle entre des caillettes à langue pointue, lui, ne perdant ni son flegme ni l'occasion, tire le comte Ottavio par la manche :

« Comte Ottavio, deux mots seulement.

Dites, pendant que toutes ces malheureuses folaches sont à disputer de vétilles, voulez-vous venir avec moi à la cuisine manger quatre boulettes de viande ? »
Carlo Goldoni —“Les Femmes Pointilleuses” »
et Philippe Monnier — Venise au XVIIIe Siècle, Goldoni

Ne pas Gâter la Nature

Goldoni nous déclare dans ses mémoires : “Toute mon application a été de ne pas gâter la nature dans l’élaboration de mes pièces.”

Carlo Goldoni, Baroufe à Chioggia
Carlo Goldoni, Baroufe à Chioggia
« Ainsi dans sa pièce “Baroufe à Chioggia” :

« Et en face de la mer criblée d'étincelles, c'est la plage de Chioggia.

Y ayant tiré leurs chaises de paille, des dentellières, le nez sur leur tambour, y mènent prestement leurs langues et leurs fuseaux : Pasqua, Lucietta, Libera, Orsetta, Checa.

Les mains aux poches, arrive Tofolo, qui revient de Sotto-Marina où il a chargé du fenouil.

– Qu'est-ce que tu offres ?

– Ce que vous voudrez !...

– Ohé ! Zucche barucche !...”

Portrait de Carlo Goldoni
Portrait de Carlo Goldoni
Et il leur paie des morceaux de courge cuite au four.

Elles enfoncent leurs quenottes dans la friandise populaire.

La mer est bleue. Le soleil rit.

Soudain, pour un mot, une rixe éclate : et stridents, les cris s'élèvent, et les chaises volent, et les injures pleuvent en rang serré :

Checa la Fouine... ! Toffolo la Marmotte... ! Lucietta la Blagueuse !

Les maris, les frères, les fiancés, revenus de la pêche, sont aussitôt mis au courant ; excités, ils foncent : l'un ramasse des pierres, l'autre tire son couteau, l'autre court chercher sous la poupe son mousquet.

Les femmes pleurent, récriminent, se font les cornes, se traitent de pétasses, s'essuyent les yeux, piaillent, hurlent, plus promptes à la gifle que jamais. Carlo Goldoni, Gli Innamorati, les Amoureux
Goldoni Les Amoureux


À chaque coup le débat renaît et recommence.

Toffolo Marmottina :

– Celui qui lui a donné ce nom est une char...

– Va se plaindre au Cogitore.

– Fais-tu une instance à la justice ?

– Quoi ?

– Une instance...

– Demandes-tu que ce monde soit condamné ?

– Oui, Illustrissime.

– À quoi ?

– Aux galères, Illustrissime.

Les uns et les autres sont cités devant le juge.

Ils arrivent : les hommes en bonnet rouge ou vert, l'oreille percée d'un fil d'or ; les femmes dans le blanc ninzoletto qui de la ceinture par derrière se ramène sur le front.

À peine la porte est-elle ouverte qu'elles se précipitent toutes pour être la première :

- Moi !... moi !... moi !... »
Carlo Goldoni

De la "Commedia dell'arte" à la “Comédie de Mœurs”

Portrait de Carlo Goldoni par Charles Nicolas Cochin
Portrait de Carlo Goldoni par Charles Nicolas Cochin
Or voici ; à la place de l'éternel Brighella, ou de l'éternel Tartaglia, ou de l'éternel Arlequin — qu'on suppose, par exemple, un mari de l'heure contemporaine, comme on en pouvait rencontrer à Venise, amoureux fou de sa jeune femme, mais ayant honte de le paraître, horriblement jaloux, mais craignant surtout de le sembler, maudissant les sigisbées, mais esclave aplati de la mode.

Sur son ordre, sa femme reçoit seule des cavaliers servants, monte seule en carrosse avec eux, se rend seule en leur compagnie dans les assemblées, accepte leurs présents, autorise leurs manèges, écoute leur babil, supporte, subit leurs privautés ; c'est lui qui l'ordonne, et lui qui peste.

Il se retire et se repent de s'être retiré, court après la voiture où il refusa de monter, arrive à l'improviste dans le salon où il ne voulut pas se rendre, annonce qu'il va partir, ne peut se décider à partir, épie, intervient, se mêle, soupçonne, dérange, brusque les gens qu'il attira, suprêmement ridicule et souverainement humain.

C'est le Don Roberto de La Dama Prudente.

Ou bien, à la place des vieux de l'ancien répertoire, des ganaches chie-en-lit qu'on berne et qu'on bâtonne, de Pantalon qui à force d'être dupé, floué, volé, cocufié, mené par le nez, devient méchant et mord, qu'on se représente un vieil oisif, appauvri, aigri et solitaire.

Carlo Goldoni jeune
Carlo Goldoni jeune
Comme il a souffert de la destinée, il est devenu misanthrope.

Comme il n'a plus rien à faire, il s'occupe de son prochain.

Comme il n'a plus rien à dire, il ne peut qu'en médire.

Pour jouer un rôle qu'il n'a plus, il colporte le mal, et au besoin l'invente; pour se donner plus d'importance, il l'outre et l'exagère ; et presque inconsciemment, moins dolosif peut-être que douloureux, moins méchant sans doute que désoeuvré, il le fait.

Tellement que, lorsque ceux qu'il a trahis se retournent contre lui et l'abandonnent à son ignominie il demeure étonné, se récrie, et reconnaît dans cette désertion le bien fondé de ses griefs.

C'est la figure la plus creusée de ce théâtre, c'est le Don Marzio de La Bottega del Caffè. »
Philippe MonnierVenise au XVIIIe Siècle, Goldoni.

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