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Les Sigisbées, être Sigisbée à Venise


Sculpture érotique aux Procuraties Nove à Venise
Sculpture érotique à Venise
En ce temps là, la mortalité féminine était importante au moment de l'accouchement.

De ce fait, nombre de nobles ainsi que les riches commerçants épousaient souvent en secondes ou troisièmes noces, des femmes très jeunes, les autres étant déjà mariées...

Se posait alors un problème physiologique simple, compte tenu des différences d'âge, la jeune dame avait toutes les chances, dans une ville aussi libre que Venise au plan des moeurs, de trouver du plaisir ailleurs que dans les bras de son vieil époux.

C'est ainsi que la pratique des sigisbées devint courante et totalement tolérée à Venise.

Le plus souvent, le sigisbée était logé dans l'appartement situé au-dessus de celui du couple légitime.

Le mari, cocu volontaire, pouvait ainsi s'assurer qu'au moins sa femme n'avait qu'un seul amant, qu'un seul galant, qui par ailleurs la surveillait aussi pour le compte du mari.

Les voisins n'étaient pas dupes et tout le monde se trouvait fort satisfait de cet arrangement, y compris on s'en doute... la jeune épouse !

Voici comment en parlait Jérôme de La Lande en 1765 :

« L'usage des cicisbées (sigisbées) ou Cavalieri Servanti (chevaliers servants), si commun à Venise parmi les personnes de qualité, a fait dire à un Anglais outré que la plupart des filles se marient à Venise non par amour pour l'époux qu'elles choisissent, mais pour avoir la liberté de vivre sans contrainte avec leur Cavaliere Servante. »
Jérôme de La Lande en 1765

Comme le dit Monier dans son livre sur Venise au XVIIIe siècle :

Leda et le Cygne - Sculpture érotique sous une arcade des Procuraties Nuove à Venise
Leda et le Cygne
« à Venise, toutes les femmes ont-elles un sigisbée. Même la boutiquière, et même la coiffeuse, s'il en faut croire l'abbé Chiari. « Elles aimeraient mieux être sans pain que sans cavalier servant.

Et quand elles sont de qualité, elles en ont plusieurs autour d'elles. Et c'est peut-être la présence de cet ami qui leur donne tant d'audace. Sans lui, elles seraient moins rieuses, et elles useraient moins de souliers.

Car nous lisons dans le Diario Veneto que l'une d'elles, à peine mariée depuis deux mois, usa, au grand étonnement de ses parents et principalement de son mari, « sept paires de souliers et deux paires de bottines, » cela sans avoir été à aucun bal, ni même à la campagne. »

Monier - Venise au XVIIIe siècle

Mais le plus beau discours sur les sigisbées (ici Génois, car apparemment la mode vénitienne s'était exportée...) nous est donné par Ange Goudar :

Devoirs d'un Sigisbée

I.
Le Sigisbée doit se rendre tous les matins chez sa Dame, précisément à neuf heures, pour lui servir lui-même dans le lit le chocolat ou le café.

II.
En entrant dans sa chambre, il doit avoir soin d'ouvrir les fenêtres, afin qu'en serrant la Dame dans son lit, il voie bien ce qu'il fait.

III.
Si la Dame lui demande une épingle pour mettre au haut de sa chemise, afin de cacher sa gorge, il en cherchera une partout dans l'appartement ; et quoiqu'il y en ait deux ou trois mille sur sa toilette, il aura soin de n'en pas trouver une seule.

IV.
Au cas que ses filles (servantes) ne soient pas dans sa chambre, lorsqu'elle voudra se lever, le Sigisbée ne se retirera point pour cela ; mais l'aidera au contraire à s'habiller.

V.
En assistant à sa toilette, il se tiendra debout derrière elle comme un domestique, afin d'être à portée de lui donner tous les ingrédients nécessaires, qui entrent dans la composition d'un visage Génois.

Il lui présentera tour-à-tour, le blanc, le rouge, la boîte à mouches, la pommade pour les lèvres, sans confondre aucun des ustensiles de la beauté.


VI.
La toilette finie, il lui donnera la main pour la conduire dans sa chaise à porteurs, et ira avec elle à la messe, marchant devant ou à côté de la chaise comme un valet de pied : de cette manière il devancera les porteurs et arrivera tout essoufflé à la porte de l'Église, pour lui présenter de l'eau bénite.

VII.
Le soir il la conduira au spectacle, où il s'assiera auprès d'elle.

VIII.
Dans l'hiver il lui donnera sa chaussette, et la placera lui-même sous ses juppes, etc.

Et il y a encore bien d'autres instructions de l'emploi de Sigisbée; mais celles-ci sont secrètes, et les maris Génois doivent faire semblant de les ignorer."

Ange Goudar - L'espion Chinois 1765

Mais il ne faut pas imaginer que la vie de Sigisbée n'était que bonheur et plaisir, et si l'on en croit l'analyse de Molmenti, les Sigisbées devinrent en fait une sorte d'esclave sexuel des dames vénitiennes...

« Là où manquait l'amour sincère, le mari était remplacé par le sigisbée. La galanterie des femmes avait, comme nous l'avons dit, sa douceur et son charme; mais le sigisbéisme fut un métier, une passion ignoble formée de qualités négatives et peu viriles.

Quand la mode, au commencement du XVIIe siècle, prescrivit que les affections domestiques ne devaient pas s'étaler en public, on inventa les Cavalieri serventi, souvent même on les exigea dans les contrats de mariage.

Cette institution était peut être d'abord inoffensive, mais elle devait fatalement passer la mesure.

On ne tarda pas à voir paraître les sigisbées, dont les gondoliers et les soubrettes étaient les confidents secrets.

Les sigisbées, martyrs de la galanterie, esclaves du beau sexe, nerveux comme lui, se pâmaient d'amour, devinaient pour les satisfaire, les moindres désirs de leurs dames, les accompagnaient aux conservatoires ou aux théâtres pour y applaudir quelque cantatrice, quelque comédienne célèbre, et même à l'église pour y entendre la messe ou quelque fameux prédicateur. »

Ange Goudar

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